Une structure qui décoiffe (Equipe Marc Graille)
Chez les organismes eucaryotes, l’expression des gènes codant pour des protéines débute par la transcription dans le noyau qui permet la synthèse d’un ARN pré-messager. Celui-ci subit des étapes de maturation (ajout d’une coiffe en 5’, épissage des introns et adjonction d’une queue poly(A) en 3’) avant d’être exporté vers le cytoplasme où il sera traduit en protéines. Finalement, la dégradation d’un ARNm permet de stopper la production de protéines. La principale voie de dégradation des ARNm débute par le raccourcissement de leur queue poly(A) (ou désadénylation), suivi du clivage de la coiffe. Ceci empêche toute production ultérieure de protéines à partir de cet ARNm car la coiffe en 5’ de l’ARNm est nécessaire au recrutement des facteurs de traduction. Cela engage aussi irrémédiablement l’ARNm vers une destruction complète. Le clivage de la coiffe est catalysé par l’enzyme Dcp2, connue depuis plus de 10 ans mais dont le mécanisme d’action reste mystérieux. Cette enzyme est faiblement active in vitro et requiert de nombreux co-facteurs (dont Dcp1 et Edc3) pour sa fonction in vivo. Plusieurs structures de Dcp2 avaient été décrites mais elles n’expliquaient pas son activité catalytique.
Les équipes de Marc Graille (Ecole Polytechnique) et de Bertrand Séraphin (Institut de Génétique et de Biologie Moléculaire et Cellulaire) ont réussi à déterminer la structure du complexe formé par Dcp2, Dcp1 et Edc3 en présence d’un produit de la réaction de clivage de la coiffe (voir figure). Cette structure révèle l’organisation du complexe et montre que si les structures de chacun des domaines correspondent à celles déterminées précédemment, leurs orientations relatives sont différentes. En particulier, deux domaines de Dcp2 prennent en tenaille le nucléotide de la coiffe et les acides aminés de Dcp2 entourant ce produit de la réaction sont identiques à ceux identifiés précédemment par mutagenèse comme importants pour l’activité de cette enzyme. La structure montre aussi qu’Edc3 agit à distance en induisant un changement de conformation de Dcp2 qui favorise son activité et le recrutement de l’ARN messager.
Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives pour comprendre le mécanisme du clivage de la coiffe et pourraient permettre de développer des inhibiteurs de cette enzyme-clé de la dégradation des ARN messagers qui est essentielle à la survie des cellules eucaryotes.
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