La régulation à l'épreuve du changement : le cas de la musique

Thèse de doctorat ès sciences de gestion soutenue le 29 novembre à 9h au Lycée Henry IV

Résumé

Malgré l’impression d’un retour à la normale grâce au streaming, l’économie musicale est en réalité́ dans un état de mutations continues. Notre thèse repose alors sur l’idée que ce changement permanent questionne la manière avec laquelle les acteurs de la musique fixent les règles de leur écosystème. C’est la question qui traverse notre thèse : comment s’établissent les règles dans la musique ? Pour y répondre, nous observons les processus de règles de trois faits surprenants : l’importance des commissions d’aides du CNV-CNM, le succès de l’entreprise Believe et l’essor du livestream.

Ces processus de règles, nous les désignons par le terme de« régulation ». En effet, ce concept s’avère singulièrement fertile : aiguillés par le cas unique de la musique, nous montrons que les approches contrastées qui l’ont traité sont complémentaires et permettent de bâtir notre propre grille d’analyse d’une régulation articulée autour de trois piliers (ses règles, leurs acteurs et les processus qui les traversent) auxquels nous ajoutons une dimension de niveaux.

Ainsi, l’étude des commissions d’aide du CNV-CNM nous permet d’approcher les niveaux micro de la régulation opérée par la politique musicale. On montre qu’une régulation visible est complétée par des régulations latentes : des commissions entourées par des instances et réseaux informels, des critères complétés par des motifs de décision, une variété de structures aidées, mais une concentration de l’aide ; le tout régi par un principe général de professionnalisation

Cette régulation installée contraste avec les manières de faire d’un acteur du changement. Avec le cas Believe, entreprise en pleine expansion, on montre qu’à la suite d’une trajectoire stratégique singulière, a émergé une organisation pyramidale inédite placée entre plateformes et artistes, donnant lieu à des pratiques croisant numérique et expertise métier, et favorisant l’expansion d’un marché de la distribution numérique devenu central. Son principe moteur est l’indépendance par le numérique.

Puis, l’essor du livestream nous a donné à voir la réunion des acteurs de l’écosystème et leurs manières d’établir des règles en situation de changements multiples. Nous dégageons cinq stratégies divergentes qui illustrent la rencontre de cinq régulations différentes dans les manières de concevoir le spectacle, les manières d’en appréhender la technique, les manières de bâtir ou non des modèles économiques dessus, et les manières de négocier le cadre réglementaire. Le CNM n’a pas échappé à la tendance de ces stratégies à s’appuyer sur l’existant : si le changement a apporté une nécessaire adaptation des règles, de manière générale les logiques du système d’aides se sont plutôt prolongées dans le nouvel établissement.

Finalement, ces investigations nous conduisent à formuler des contributions de deux ordres. Dans un premier temps, nous faisons le bilan de notre approche de la régulation : les règles rencontrées au cours de notre recherche nous invitent à considérer des formes plus ou moins formelles, mais qui sont interdépendantes. Nous confirmons une vision élargie des acteurs de la régulation et détachons cinq processus non exhaustifs de règles : l’installation d’un esprit de règles, la sédimentation des pratiques, la désynchronisation des niveaux, la marginalisation de certaines règles et les parades à cette marginalisation. Puis nous formulons des recommandations managériales sur différents risques de fissures entre les régulations.

Composition du jury :

Mots clés :

Industrie musicale, Régulation, Changement, Innovation, Transformation numérique