Soutenance de Philippe Silberzahn
La détermination par la firme entrepreneuriale de ses produits et marches : un modèle socio-cognitif
Thèse de doctorat ès sciences de gestion soutenue le 19 mars 2009.
Résumé :
Alors que le processus entrepreneurial est souvent présenté comme structuré par la découverte initiale d’une opportunité qui est ensuite exploitée de manière délibérée, des études empiriques montrent que dans nombre de cas, et en particulier dans les contextes caractérisés par une incertitude radicale, les entrepreneurs délaissent l’approche délibérée au profit d’une approche dans laquelle l’opportunité émerge progressivement en fonction des moyens dont ils disposent et de la situation dans laquelle ils se trouvent. Dès lors, l’opportunité est le résultat d’un processus de détermination parfois très long, au cours duquel la firme essaie plusieurs couples produit-marché comme autant de projets successifs avant de réussir à déterminer celui qui permet le décollage. Bien que cette approche soit répandue, et qu’elle soit à l’origine d’entreprises qui sont ensuite devenues leader dans leur domaine, elle n’a fait l’objet que de peu de recherches théoriques.
L’objet de cette recherche est d’étudier l’utilisation d’une approche émergente dans le développement entrepreneurial. Spécifiquement, notre question de recherche est la suivante : Comment l’équipe entrepreneuriale à la tête d’une jeune entreprise de haute technologie (startup) détermine-t-elle ses produits et ses marchés en situation d’incertitude forte ?
Ce travail est basé sur une étude de cas approfondie et longitudinale d’une startup française spécialisée dans les logiciels pour téléphones mobiles.
Nous commençons par définir un modèle permettant de décrire les trajectoires de développement des startups au moyen de sept variables. Ce modèle permet de mesurer la continuité, ou au contraire le côté erratique, de chaque trajectoire. L’observation d’une continuité suggère que bien qu’elle soit non déterministe, la trajectoire n’est pas pour autant aléatoire et qu’il existe un principe de pilotage sur la base des variables mises en évidence.
Comment ces variables sont-elles manipulées par l’équipe pour déterminer les produits et les marchés ? Pour répondre à cette question, nous étudions les comment s’effectuent les itérations d’un couple à l’autre. Cette étude nous permet de caractériser le pilotage entrepreneurial comme la mise en œuvre d’une heuristique combinant conception et expérience. Par cette heuristique, l’équipe passe d’un couple produit-marché à l’autre en combinant une démarche de conception basée sur des raisonnements techniques et de marché et une démarche de mise en œuvre par l’expérience génératrice de connaissance. Le pilotage délibéré par l’équipe de cette heuristique permet un rendement croissant de l’apprentissage, facteur d’efficacité croissante du processus de détermination, qui converge progressivement vers une opportunité et la résolution de l’incertitude knightienne.
Ce processus de détermination s’avérant souvent long, incertain, parsemé d’échecs et de remises en question, comment l’équipe se structure-t-elle pour tenir durant cette période et faire en sorte que l’apprentissage puisse fonctionner ? Nous répondons à cette question en étudiant l’identité sociale définie par la startup. Nous définissons un modèle distinguant trois niveaux d’acteurs : l’équipe des fondateurs, les employés et les parties prenantes externes. Nous caractérisons les relations possibles avec chacun de ces types d’acteurs et distinguons plusieurs types d’identité sociale. Nous analysons l’impact de ces différences sur le plan de la robustesse et de la capacité à croître. Typiquement, le choix de la robustesse pendant la période de détermination rend possible la réussite de celle-ci mais compromet la capacité à croître lorsque l’incertitude knightienne a pris fin.
Nous synthétisons ces résultats en proposant un modèle d’identité stratégique de la firme entrepreneuriale pilotant son développement par l’apprentissage. Ce modèle repose sur deux concepts complémentaires. D’une part, un concept de stratégie d’entreprise, qui se rapporte à l’identité stratégique de la firme au travers de laquelle celle-ci gère l’apprentissage, le lien social, la technologie et les compétences. D’autre part, un concept de stratégie business au travers duquel la firme gère le couple produit-marché en cours, le modèle d’affaire, la traversée du gouffre, etc. Nous montrons que le premier concept doit être géré de façon largement délibérée, tandis que le second peut être géré de manière émergente.
Mots clés :
Composition du jury :
Alain Fayolle | rapporteur | |
Blanche Segrestin | rapporteur | |
Alain Bloch | ||
Robert Burgelman | ||
Christophe Midler | Directeur de thèse |