Soutenance de Matthieu Battistelli
Les stratégies d'entreprises ordinaires faces aux grands défis : des imaginaires alternatifs aux utopies réelles. Le cas des d'un groupe d'entreprises impliqué dans la transition écologique du secteur de l'agencement de magasins
Thèse de doctorat ès sciences de gestion soutenue le 10 décembre 2021 à 14h en visio-conférence
Résumé :
Les organisations internationales alertent États et société civile sur un dérèglement des écosystèmes terrestres depuis plusieurs décennies. Face à ce constat, même des entreprises ordinaires et de taille modeste incarnent et expérimentent des solutions nouvelles et nonconventionnelles au regard des enjeux sociétaux de notre temps. Comment ces solutions se concrétisent-elles sur les plans stratégique et organisationnel ? Pour répondre à cette interrogation, ce travail doctoral s’appuie sur une immersion longue au sein de l’entreprise Ulterïa, impliquée dans la transformation du secteur de la distribution alimentaire et nonalimentaire. L’entreprise développe des systèmes d’agencement de distribution écologique et sans emballage, favorisant la « vente en vrac ». S’inscrivant dans une démarche compréhensive, cette étude de cas cherche à comprendre comment une entreprise ordinaire et modeste intègre de grands défis sociétaux dans sa stratégie et son organisation. Cette thèse mobilise la littérature récente sur la gestion des grands défis et discute plus particulièrement la pertinence du modèle théorique d’action robuste pour penser les stratégies s’attaquant aux enjeux de société (Etzion et al., 2017 ; Ferraro et al., 2015). Pour compléter cette approche théorique, nous adjoignons à notre réflexion des travaux récents sur le rôle de l’imaginaire et de l’utopie réelle dans l’action collective (Wright et al., 2018 ; Gümüsay & Reinecke, 2021), défendant l’idée que ces deux composantes jouent un rôle décisif dans la gestion des problèmes sociétaux. Trois résultats majeurs émergent de cette thèse. Premièrement, nous caractérisons la spécificité du concept de grand défi par rapport à des notions conceptuellement proches (meta-problem, wicked problem, mess) et développons en détail comment la contribution à des défis sociétaux se cristallise à plusieurs niveaux d’analyse, individuel, organisationnel et sectoriel. Deuxièmement, nous observons que la contribution à un grand défi de société se structure à partir d‘imaginaires alternatifs de l’organisation et du management influençant significativement le design de l’organisation, sa stratégie et son développement. Troisièmement, nous revisitons le modèle théorique d’action robuste pour expliquer le processus stratégique par lequel des entreprises ordinaires visent à contribuer à des enjeux sociétaux. Pour apporter leurs contributions, les entreprises se constituent en utopie réelle via un processus articulant des expérimentations menées localement et des imaginaires alternatifs multiples. Ce processus repose notamment sur une superposition entre un espace d’enjeux locaux et un espace d’enjeux globaux. Cette mise en résonance entre local et global nécessite alors une organisation fonctionnant à travers trois items principaux : une architecture organisationnelle participative plus ou moins centralisée, la multivocité de discours facilitant la pénétration d’imaginaires multiples au sein de l’organisation, et des expérimentations locales nombreuses mêlant des activités diverses à caractère économique, social, environnemental, éducatif, philanthropique, et attestant la capacité de l’organisation à s’attaquer à des enjeux sociétaux.
Composition du jury :
Mme Véronique PERRET | Professeur, Université Paris Dauphine | Rapporteure |
M. Bertrand VALIORGUE | Professeur, Université Clermont Auvergne | Rapporteur |
M. Luc BRÈS | Professeur, Université de Laval | Examinateur |
Mme Emilie LANCIANO | Professeur, Université Lumière Lyon 2 | Examinatrice |
Mme Blanche SEGRESTIN | Professeur, MINES ParisTech | Examinatrice |
Mme Nathalie RAULET-CROSET | Professeur, IAE de Paris, Université Paris 1 PanthéonSorbonne | Co-directrice de thèse |
Mme Véronique STEYER | Maître de conférences, Ecole polytechnique | Co-directrice de thèse |
Mots clés :
grand challenge – grands défis – action robuste – processus stratégique – imaginaire – utopie réelle