8ème journées du groupe thématique "Innovation" de l’AIMS sur le thème "Innovations Espaces et Territoires"
Ecole polytechnique, Palaiseau, 14 & 15 septembre 2017
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A l’heure du télétravail, des outils de travail collaboratif, des plateformes virtuelles d’open innovation et de la globalisation, on pourrait s’interroger sur les enjeux associés à l’ancrage géographique et à la (co-)localisation des équipes qui contribuent aux processus d’innovation. Dans un monde dans lequel le numérique et les technologies de l’information facilitent et amplifient les échanges, quelle place reste-t-il à la dimension physique et matérielle de la localisation ? Est-ce encore pertinent de considérer le territoire, l’espace, le lieu ?
Force est de constater que la question des écosystèmes d’innovation, ancrés géographiquement dans un territoire, reste extrêmement présente : la Silicon Valley constitue un terreau que de nombreux états envient. Des chercheurs ont montré comment des villes comme Montréal, par exemple, peuvent avoir un rôle d’attracteur et de soutien pour l’innovation, dans les industries de la création notamment (Cohendet, Grandadam, & Simon, 2010; Florida, 2005; Simon, 2009). D’autres ont montré comment les clusters, districts industriels et pôles de compétitivité sont de nature à favoriser et accélérer les échanges et les innovations (Corbel, Chomienne, & Serfati, 2011).
A l’échelle de la firme multinationale (FMN), la question de la localisation sans porter spécifiquement sur l’innovation a été centrale dès les premiers travaux en management international. Les FMNs choisissent de multi-localiser les forces de R&D, dans le but d’accompagner les déplacements des marchés et de tirer profit des écosystèmes et des capacités d’innovation locales créant ainsi pour certaines des centres dans des géographies spécialisées, sur des domaines spécifiques, comme la Corée, le Japon ou Israël. Ces stratégies de localisation permettent aux FMNs de concilier ancrages local et global (Ben Mahmoud-Jouini, Burger-Helmchen, Charue–Duboc, & Doz, 2015; Ben Mahmoud-Jouini, Charue-Duboc, & Midler, 2015). Les travaux plus récents sur l’innovation inversée soulignent l’importance de la dimension locale en matière d’innovation et ses retombées à l’échelle globale de la FMN. En effet, cibler des marchés socialement, culturellement et géographiquement ancrés, ayant des caractéristiques spécifiques, conduit à identifier et développer des innovations qui renouvellent l’offre de l’entreprise à une échelle géographique plus étendue (Govindarajan & Ramamurti, 2011 ; Zedtwitz, Corsi, Søberg & Frega 2015).
Enfin, des espaces physiques d’innovation se multiplient depuis une dizaine d’années, constituant des lieux privilégiés pour imaginer des solutions novatrices. Ces espaces sont internes à une entreprise ou réunissent plusieurs d’entre elles. Les premiers sont, par exemple, les entités d’exploration ou les labs d’innovation, qui permettent d’expérimenter, de s’approprier et de diffuser des méthodologies nouvelles comme le design thinking, le lean startup ou le prototypage rapide (Ben Mahmoud-Jouini, 2016). Ils réunissent dans un même lieu des acteurs tels designers, des ingénieurs, des développeurs, des marketeurs pour échanger pendant la phase amont du processus d’innovation. Ils peuvent aussi s’ouvrir à des partenaires externes dans un environnement neutre et moins marqué institutionnellement. Les seconds sont des espaces multi-entreprises, tels les accélérateurs et les incubateurs, qui permettent à des communautés de se construire autour d’innovations (Pauwels, Clarysse, Wright, & Van Hove, 2016). Les espaces de coworking et les makerspaces (ou fab labs), par exemple, interrogent eux le modèle du travail qui serait réinventé avec un développement du free lance et de l’entrepreneuriat au détriment du salariat et les modes de collaboration inter-entreprises (Fabbri & Charue-Duboc, 2016 ; Lallement, 2015). Enfin, d’autres réunissent temporairement seulement des acteurs autour d’un domaine d’innovation (Lampel & Meyer, 2008).
Toutes ces manifestations de la dimension spatiale à des niveaux différents (territoire, organisation, équipe, etc.) témoignent à la fois du mouvement de dématérialisation des échanges de nature à favoriser et soutenir la créativité collective et de l’affirmation de l’importance d’espaces physiques et de lieux qui réunissent autour d’artefacts matériels des acteurs multiples engagés dans des processus de co-création. Ce mouvement est concomitant à la multiplication des coopérations d’innovation avec l’adoption croissante par les entreprises de stratégies d’open innovation (Chesbrough, 2006; Loilier, Depeyre, & Mercier, 2016; Pénin, Hussler, & Burger-Helmchen, 2011), en réponse à la spécialisation des entreprises et à la complexité croissante des offres. Dans un tel contexte, construire des relations de confiance peut être facilité par une certaine proximité physique (Ollila & Elmquist, 2011).
Ainsi, les 8èmes journées du GT Innovation de l’AIMS visent aussi bien à regrouper des travaux portant sur ces différents niveaux (territoire, organisation, équipe), qu’à les articuler entre eux. Les contributions devraient présenter des réflexions sur la manière selon laquelle la dimension spatiale, qu’elle qu’en soit le niveau, joue dans les processus d’innovation. A quel stade du processus d’innovation ? A quelle échelle (le territoire, un espace dédié en interne à l’entreprise, etc.) ? Selon quelles modalités ? Quelle est la nature de l’influence de cette dimension spatiale dans la collaboration avec des partenaires externes (clients, fournisseurs, start-ups…) ?
Voici une liste non exhaustive des questions possibles :
- Les travaux portant sur les processus d’innovation ont identifié des rôles d’acteurs clés dans l’interaction avec l’environnement tels les « brokers », « bridgers », « gatekeepers », « boundary spanners », « technology scouts », etc. Quels liens entretiennent ces nouveaux espaces d’innovation avec ces rôles ?
- Comment les espaces d’innovation, internes et externes, contribuent-ils aux stratégies d’innovation des firmes ?
- Quelle interaction entre l’ancrage global et l’ancrage local des FMNs, à travers notamment les filiales et les centres de R&D ?
- Comment s’articulent des échanges spatialement situés avec des communications virtuelles dans le cadre des processus d’innovation ?
- Etc.
Bibliographie
Ben Mahmoud-Jouini, S. (2016). Le numérique au service des entités dédiées à l’innovation de rupture. Revue française de gestion, 65–87.
Ben Mahmoud-Jouini, S., Burger-Helmchen, T., Charue–Duboc, F., & Doz, Y. (2015). Global organization of innovation processes. Management International, 19, 112–120.
Ben Mahmoud-Jouini, S., Charue-Duboc, F., & Midler, C. (2015). Management de l’innovation et globalisation. Enjeux et pratiques contemporains. Paris: Dunod.
Chesbrough, H. W. (2006). Open Innovation: A New Paradigm for Understanding Industrial Innovation. In Open Innovation: Researching a New Paradigm (Oxford University Press, pp. 1–12). Oxford: Chesbrough, H.W., Vanhaverbeke, W. and West, J.
Cohendet, P., Grandadam, D., & Simon, L. (2010). The Anatomy of the Creative City. Industry & Innovation, 17, 91–111.
Corbel, P., Chomienne, H., & Serfati, C. (2011). L’appropriation du savoir entre laboratoires publics et entreprises. La gestion des tensions au sein d’un pôle de compétitivité. Revue Française de Gestion, 37, 149–163.
Fabbri, J., & Charue-Duboc, F. (2016). Les espaces de coworking : nouveaux intermédiaires de l’innovation ouverte ? Revue française de gestion, 163–180.
Florida, R. (2005). Cities and the Creative Class. Routledge.Govindarajan, V., & Ramamurti, R. (2011). Reverse innovation, emerging markets, and global strategy. Global Strategy Journal, 1, 191–205.
Lallement, M. (2015). L’âge du faire : Hacking, travail, anarchie. Paris: Seuil.
Lampel, J., & Meyer, A. D. (2008). Field-Configuring Events as Structuring Mechanisms: How Conferences, Ceremonies, and Trade Shows Constitute New Technologies, Industries, and Markets. Journal of Management Studies, 45(6), 1025-1035
Loilier, T., Depeyre, C., & Mercier, S. (2016). Ouvrir le management stratégique de l’innovation. Revue française de gestion, 11–25.
Ollila, S., & Elmquist, M. (2011). Managing Open Innovation: Exploring Challenges at the Interfaces of an Open Innovation Arena. Creativity and Innovation Management, 20, 273–283.
Pauwels, C., Clarysse, B., Wright, M., & Van Hove, J. (2016). Understanding a new generation incubation model: The accelerator. Technovation, 50–51, 13–24.
Pénin, J., Hussler, C., & Burger-Helmchen, T. (2011). New shapes and new stakes: a portrait of open innovation as a promising phenomenon. Journal of Innovation Economics & Management, 7, 11–29.
Simon, L. (2009). Underground, upperground et middle-ground : les collectifs créatifs et la capacité créative de la ville. Management international, 13, 37.
Zedtwitz, M., Corsi, S., Søberg, P. V., & Frega, R. (2015). A typology of reverse innovation. Journal of Product Innovation Management, 32(1), 12-28.