Soutenance de Benoît Journé
Les organisations complexes à risques : gérer la sûreté par les ressources. Etude de situation de conduite de centrales nucléaires
Thèse de doctorat ès sciences de gestion soutenue le 15 janvier 1999
Résumé :
Les organisations complexes à risques se caractérisent par l’extrême complexité de leur système technique, dont la perte de contrôle peut se traduire par un accident catastrophique. Sources d’accidents inévitables pour les uns, symboles d’organisations à haute fiabilité ou de systèmes ultra-sûrs pour les autres, les centrales nucléaires se présentent sous un jour paradoxal pour le gestionnaire. Les organisations complexes à risques sont soumises à un contrôle externe censé garantir au public le respect des exigences de sûreté. La sensibilité croissante de l’opinion publique aux dangers du nucléaire oblige à de nouveaux progrès. Or, les statistiques de sûreté montrent qu'un palier est atteint. Comment améliorer une performance déjà considérée comme exceptionnelle ?
La thèse répond à cette question en s’interroger sur la façon dont la performance a été atteinte et propose de renouveler la manière d’appréhender la contribution de l’homme à la sûreté. Le niveau actuel de fiabilité résulte d’une stratégie d’anticipation de tous les problèmes. Des parades ont été conçues pour répondre vite et sans erreur à un événement fortuit. Des automatismes et des procédures ont envahi les salles de commande. Cette stratégie ne fait aucune place à l’initiative (jugée déstabilisante) des opérateurs chargés de la conduite quotidienne des installations. Les « facteurs humains » sont considérés comme le « maillon faible » de la sûreté car sa fiabilité n’est pas celle des dispositifs techniques.
L’observation de la conduite au quotidien, en situation normale, montre que la sûreté est un processus pris en charge par un réseau de ressources interdépendantes (hommes, règles, dispositifs techniques) regroupées dans une salle de commande. La thèse mobilise les concepts d’agencement organisationnel (J. Girin, 1995) et de sensemaking (Weick, 1995) pour rendre compte de la dynamique cognitive qui permet à la salle de commande de garder le contrôle de la situation. L’homme apparaît alors comme le gestionnaire de ce réseau de ressources. Il transforme ce qui n’est qu’un potentiel de sûreté en sûreté effective. La conduite en situation normale est faite d’une combinaison d’anticipation et de résilience (adaptation à l’imprévu). La thèse invite à enrichir la stratégie de gestion actuelle de la sûreté à partir de la prise en compte des caractéristiques propres aux situations de conduite normale, sans se focaliser sur les situations incidentelles et accidentelles. Cela passe par une meilleure reconnaissance de la contribution de l’homme à la sûreté.
Mots clés : action située, anticipation, cognition distribuée, facteurs humains, haute fiabilité, organisation complexe à risques, paradoxe, potentiel, ressources, résilience, sensemaking, situation, sûreté, système ultra-sûr
Composition du jury :
Armand Colas | ||
Alain Desreumaux | Rapporteur | |
Jacques Girin | Directeur de thèse | |
Hervé Laroche | ||
Pierre Romelaer | Rapporteur |