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JO 2018 : sur la piste de Martin Fourcade

ous les skieurs le savent : le fart est une fine couche qui recouvre la semelle du ski afin de la protéger et de permettre une meilleure glisse. A partir d’un certain niveau, la maitrise du choix du fart est indispensable pour donner toutes les chances de victoire aux athlètes puisqu’un mauvais fart peut faire perdre une course. Mais d’un point de vue scientifique, ce savoir-faire empirique de la glisse reste encore mal compris.

C’était sans compter sur Martin Fourcade et ses techniciens « farteurs » qui ont proposé aux chercheurs de s’y intéresser. Depuis 2015, les équipes de recherche de Lyderic Bocquet (LPS) et de Christophe Clanet (LadHyX) se sont penchées sur la question afin de comprendre le phénomène de friction qui entre en jeu lors de la pratique du ski.

 

Le ski en laboratoire

Le premier objectif de ces travaux a été de reconstruire en laboratoire les conditions d’une piste de ski afin de réaliser des mesures de la friction, des frottements entre la neige et les skis. Après de premiers essais non-fructueux dans un congélateur à l’ENS, une « station de ski » a été mise en place au LadHyX dans un conteneur frigorifique. Un banc de mesure de 12 mètres ainsi qu’un plateau tournant conçu à l’ENS leur permettent ainsi de réaliser des expériences de tribologie, c’est-à-dire des mesures des frottements entre la neige et le ski grâce à des capteurs de force. Ils ont ainsi pu observer les trois régimes de contact que l’on retrouve sur les pistes et qui dépendent de la quantité d’eau créée par le frottement du ski sur la neige et donc de la température :

  • Lorsque celle-ci est trop chaude, autour de 0°C, le ski fait fondre une épaisse couche d’eau sur son passage. Cette eau exerce une force d’attraction sur les skis, augmente le frottement et fait ainsi ralentir le skieur.
  • A l’inverse, lorsque la température est trop froide, en dessous de -15°C, les skis frottent sur la neige sans la faire fondre, le contact n’est pas lubrifié et le skieur n’avance pas efficacement.
  • Les conditions optimales se situent entre ces deux températures : la neige fond juste assez pour créer une pellicule d’eau très fine (≈0,1µm) qui lubrifie le contact sans faire adhérer les skis.

Le défi suivant a été de mesurer l’épaisseur de cette pellicule d’eau grâce à une expérience à plus petite échelle, montée à l’ENS.

L’intérêt du fart

Le fart intervient afin d’améliorer la lubrification. Bien souvent hydrophobe, il repousse les gouttes d’eau  pour qu’elles n’adhèrent pas au ski et ne le ralentissent pas. Il existe plus d’une centaine de farts différents. Avant une course, les techniciens « farteurs » analysent la neige en la touchant : ils sont alors capables de déterminer les 5 ou 6 farts qui seront les plus performants pour cette neige en particulier. Cette sélection sera ensuite testée sur la piste pour déterminer le revêtement qui adhère le moins à la piste.

En travaillant en collaboration avec les farteurs de Martin Fourcade et avec des skis du champion, les chercheurs ont tenté de reproduire ce savoir-faire empirique de manière répétable et contrôlée en laboratoire, pour déterminer les phénomènes physiques qui permettent d’améliorer la lubrification. Ils ont ainsi pu déduire que lorsque les farteurs touchent la neige, ces derniers mesurent un ensemble d’autres paramètres que la température, comme l’humidité ou la densité. « Ce sont d’excellents expérimentateurs, et ils nous ont beaucoup aidés à comprendre leurs pratiques pour mieux les analyser », explique Caroline Cohen, chercheuse au LadHyX.

Sans pouvoir tout dévoiler des matériaux qui se sont avéré les plus efficaces dans la lubrification - et ceux auxquels l’équipe de recherche a pensé pour de futurs tests - la chercheuse explique que le fart peut avoir un effet mécanique supplémentaire grâce à sa géométrie : par exemple, si des stries y sont gravées dans le sens de la longueur du ski, elles pourront aider l’eau à s’évacuer lorsque la pellicule lubrifiante est trop épaisse. A l’inverse, si la neige est très froide, des stries gravées perpendiculairement au sens du ski vont « gratter » la neige, et augmenter la quantité d’eau lubrifiante.

Les recherches se poursuivent à l’ENS et au LadHyX alors que Martin Fourcade a remporté 3 médailles d’or avec l’équipe de France aux JO 2018. Il démontre ainsi, en plus de ses incroyables capacités physiques, la qualité et le savoir-faire de ses farteurs que les chercheurs pourront bientôt améliorer.

 

Physique, sport et handisport au LadHyX

Au carrefour de la physique, de l’ingénierie et de la biomécanique, le projet « Physique, Sport et Handisport » porté par Christophe Clanet, Directeur de Recherche CNRS et Directeur du Laboratoire d'Hydrodynamique de l'X (LadHyX) ouvre un vaste champ d’études, plaçant l’X à l’avant-garde de cette thématique, qui allie recherche fondamentale et applications médicales et sociétales. En utilisant le sport et le handisport comme sources de défis scientifiques originaux, l’objectif est d'améliorer les matériaux, les stratégies, mais aussi de comprendre les mouvements optimaux des sportifs et leurs lois sous-jacentes. Ce projet, en collaboration avec plusieurs sportifs, est soutenu par la Fondation de l’X.