Juin 2021 : disque de silicium, ou "wafer"
À l’occasion de la sortie récente de l’autobiographie de Maurice Bernard (X 1948), « Plusieurs vies en une seule » publié par Hémisphère édition, le Mus’X met à l’honneur, pour l’objet du mois de juin, un don de l’ancien polytechnicien : un wafer de silicium.
Maurice Bernard, Portrait d’élève, promotion 1948
© Collection Ecole polytechnique - Palaiseau
Maurice Bernard est un ingénieur français et ingénieur général des télécommunications. Il intègre l’Ecole Polytechnique en 1948 et en sort deux ans plus tard ingénieur de télécommunication. Il poursuit sa formation à l’Ecole nationale supérieure de Télécommunication. Il soutient sa thèse en 1953. La même année il intègre le Centre national d’études des Télécommunication. Il est alors rapidement convaincu de la nécessité de créer un laboratoire pour étudier les propriétés des semi-conducteurs.
En 1975-1978 il est chargé de la sous-direction recherche et développement à la direction des affaires industrielles et internationales de la Direction générale des télécommunications. A ce poste, il oriente ses réflexions sur la microélectronique silicium et les circuits intégrés. Il contribue alors à l’élaboration et au lancement du plan circuit intégré en 1977.
Le 26 juillet 1978 il est nommé par le gouvernement directeur du Centre national d'études des télécommunications, jusqu’en 1981. Enseignant-chercheur, il devient directeur de l'Enseignement de la Recherche de l'École polytechnique de 1983 à 1990, ou encore du Laboratoire des musées de France de 1990 à 1994.Maurice Bernard, a ainsi permis le développement des micro-processeurs et circuits intégrés sur des wafers de silicium.
Site de Crolles, disques de silicium ou wafer : Crolles 1, Crolles 2 © Collections École polytechnique - Palaiseau
Mais alors un wafer de silicium c’est quoi ?
Il s’agit d’une plaque ou disque de silicium constituée d’une multitude de puces électroniques ou semi-conducteur.
Le silicium est un élément chimique de la famille des cristallogènes. Il a des propriétés qui le rendent semi-conducteur. Selon son traitement, il conduit ou reçoit un flux électrique. Il est de fait un support idéal pour les milliers de transistors qui composent une puce électronique. Les transistors étant de toutes petites pièces, la plaque de silicium, sur laquelle ils vont être fabriqués, doit être parfaire.
C’est généralement du polysilicium brut (silicium constitué d’un ensemble de cristaux) qui est utilisé pour la fabrication. Pour aboutir à une structure monocristalline, il subit alors un ensemble de traitement.
Il est d’abord fondu dans un four hermétique purgée au gaz argon pour éliminer toute trace d’air. Il est ensuite mis en rotation pour obtenir un monocristal pur. Le cristal est ensuite découpé à la trancheuse à silicium en plaque fine : un wafer. La découpe laissant des traces microscopiques, le wafer est ensuite lustré par un procédé technique appelé rodage c’est-à-dire un passage dans un polissoir à haute puissance. Des traces pouvant encore persister, le wafer subit alors un rodage chimique. Une fois toutes ces étapes réalisées le wafer est prêt à recevoir la gravure des circuits électriques.
C’est alors sur ses plaques que sont fabriquées simultanément des centaines de puces électroniques, grâce à la répétition ou combinaison d’opérations élémentaires.
Une des techniques de miniaturisation et de gravure est la photolithographie. Le wafer est alors recouvert de vernis chimique photosensible qui durcit au contact de rayons UV. Dans une chambre noire, un rayon lumineux, focalisé sur l’image d’un circuit, traverse une lentille de miniaturisation avant d’atteindre le wafer. Après rinçage du vernis, le wafer ne conserve que l’image du circuit.
Une autre technique utilisée est la lithographie électronique. Elle est similaire à la photolithographie mais le faisceau lumineux est remplacé par un faisceau électronique et le vernis photosensible par un vernis électro sensible.
Toutes ces transformations sont réalisées par couches pour un seul wafer. Ainsi un seul disque peut être cuit, puis exposé à un flux de plasma ou encore plongé dans un bain de métal. Au final c’est près de 1500 étapes qui sont nécessaires à l’écriture d’une multitude de circuits intégrés contenus sur une puce électronique.
Plaquette de silicium, détail © Collections Ecole polytechnique - Palaiseau
Ces puces électroniques possèdent cependant un inconvénient au moment de réalisation, c’est le déraillement électronique entraîné par la présence de la moindre poussière. Pour l’empêcher, le processus de fabrication doit se faire dans une « salle blanche » où l’air est constamment renouvelé et filtré et les opérateurs habillés de de combinaisons de la tête aux pieds. Ce sont des industriels spécialisés qui sont chargés de cette fabrication, comme les usines présentes sur le site de Crolles. Site où ont été fabriqués les wafers exposés.
CNET de Grenoble. Don de Maurice Bernard ©Collection École polytechnique - Palaiseau
En effet les wafers présentés ont été fabriqué sur le site de STMicroelectronics à Crolles près de Grenoble. Cette précision est importante car il n’existe que deux sites européens fabricants ces matériaux, celui-ci et un en Allemagne.
Le complexe industriel de Crolles rassemble deux usines de fabrication de nanopuces pour matériels électroniques, Crolles 1 et Crolles 2. Chaque année, elles produisent plusieurs centaines de milliers de plaques de silicium d’un diamètre de 200 à 300 millimètres, d’une épaisseur de 90 à 32 nanomètres.
Ces disques de silicium qui nous apparaissent abstraits à première vue sont ainsi la genèse de fabrications des puces électroniques présentes dans une multitude d’appareils de la vie courante comme des ordinateurs, téléphones portables, consoles de jeux etc.
Ce don de Maurice Bernard est alors un véritable témoignage des progrès des sciences et des technologies. En plus de ces objets, l’ancien polytechnicien fait également don d’un grand nombre de ses archives personnelles, concernant majoritairement l’administration de l’enseignement et de la recherche-développement.
De plus, en tant que directeur de la SABIX, il contribue à l’enrichissement de la bibliothèque avec l’acquisition de nouveaux fonds et bibliothèques d’origines privée, comme celle d’Alfred Sauvy ou le fonds Adhémar Barré de Saint-Venant.