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Un laser pour voler plus vite

Les engins supersoniques, avions ou missiles, présentent deux inconvénients qui ont réduit leur utilisation dans l’industrie. Tout d’abord, le bruit généré par le « bang » supersonique lorsqu’ils franchissent le mur du son, c’est-à-dire lorsque leur vitesse atteint celle de l’onde sonore, à savoir 340 mètres par secondes ou 1 224 km/h. Mais l’inconvénient majeur se situe dans la consommation de carburant de ces appareils. En effet, lorsqu’un avion dépasse le mur du son, la force de freinage que ses moteurs doivent contrecarrer pour avancer devient considérable. Une onde de choc se crée au niveau du nez et de toutes les parties pointues situées à l’avant de l’appareil, augmentant ainsi la traînée et la consommation de carburant.

Pour parer à ce problème majeur, des chercheurs de l’équipe d’Aurélien Houard au Laboratoire d’optique appliquée (LOA, une UMR École polytechnique, ENSTA ParisTech, CNRS), en collaboration avec Paul Quentin Elias de l’ONERA ont eu l’idée d’utiliser un laser femtoseconde pour déformer l’onde de choc. Ils ont récemment montré avec le concours de la société Phasics qu'en générant une mince colonne de plasma par filamentation laser à l'avant d'un engin supersonique, il était possible de diminuer sa trainée de 50 %. Ces résultats publiés dans la revue Science Advances ouvrent de nouvelles perspectives dans l'utilisation de lasers femtosecondes intenses embarqués comme actuateur pour la réduction de traînée, le contrôle de trajectoire ou la réduction du bang sonique.

La filamentation laser pour réduire la trainée

Cette technologie se base sur le principe de la filamentation laser : lorsqu’un faisceau laser très intense se propage dans un milieu comme de l’air, il peut en résulter des effets non-linéaires, appelés effets Kerr, qui ont pour conséquence de focaliser le faisceau à l’extrême. Le faisceau ainsi concentré « casse » les molécules de l’air en fabriquant un plasma, un mélange d’ions et d’électrons visible en violet sur la photographie ci-dessus. Le plasma ainsi généré par le laser va chauffer l’air et va ainsi pouvoir modifier la forme de l’onde de choc en lui donnant une forme plus pointue qui lui permettra à l’avion de mieux pénétrer l’air et de réduire sa traînée. Cette filamentation n’est possible qu’avec des lasers femtoseconde et en fait une application originale de la technologie CPA récompensée cette année par le prix Nobel de physique.

Plusieurs optimisations nécessaires

Ces recherches, menées dans le cadre d’un projet ASTRID, financé par la DGA et mis en œuvre par l’ANR, nécessitent cependant plusieurs améliorations pour être utilisées. Pour le moment, cette déformation de la trainée est transitoire et nécessite donc des tirs lasers à haute cadence. De plus, le laser permettant de produire ce filament ne tient pas encore dans un avion (10 m^3 pour une tonne de matériel) et doit être miniaturisé.

Ces améliorations sont étudiées par le groupe de recherche dirigé par Aurélien Houard sur la filamentation laser, en parallèle de travaux sur d’autres applications. Parmi leurs projets figurent notamment le paratonnerre laser et le sonar laser qui nécessiteront eux aussi des performances accrues des instruments utilisés au LOA.