Historique du CMAP
Contexte historique de la création et des premières années du CMAP
Rappelons d’abord quelques conséquences des deux évènements importants des années 1939 à 1960 que sont d’une part la seconde guerre mondiale et d’autre part la décolonisation et la guerre d’Algérie.
Pendant la durée de la seconde guerre mondiale, vu le nombre important de prisonniers de guerre et le contexte très difficile, le nombre annuel de naissances était faible: de l’ordre de 600.000 enfants par an. Par contre, suite à la paix et au retour des prisonniers, le nombre de naissances est vite remonté dès 1946 aux alentours de 850.000 enfants par an. Ce baby-boom eut des conséquences importantes sur les recrutements à l’université, ceci environ 20 ans plus tard, soit à partir de l’année 1966. Il y avait une pénurie de chercheurs formés à cause du baby-boom et aussi à cause du petit nombre de directeurs de thèse susceptibles de les encadrer. Il y avait par ailleurs une importante demande d’enseignants universitaires (assistants et professeurs d’université), très mal satisfaite vu la grande croissance de nombre des étudiants liée au baby-boom et aux nouveaux besoins (en particulier dans les domaines scientifiques) de l’enseignement secondaire et de la recherche industrielle.
En effet, une forte croissance économique dans l’industrie eut lieu dans les années d’après guerre. Les secteurs économiques concernés étaient (en particulier) l’automobile et l’industrie pétrolière, le nucléaire civil, l’aviation civile et militaire, le secteur spatial et enfin l’armement. Le contexte de la guerre froide (et aussi la défaite de la guerre d’Indochine) amena le gouvernement à financer un effort substantiel dans le secteur militaire, pour la conception et la construction des bombes atomiques (par le CEA militaire), et aussi dansle secteur spatial associé (fusées et satellites). Ceci stimula une très forte demande de spécialistes pour le calcul scientifique, rendu indispensable et également possible grâce au récent développement des ordinateurs.
L’autre évènement important pour la France fut l’indépendance des anciennes colonies françaises, décrétée en 1959 par le Président de la République Charles De Gaulle, sauf celle de l’Algérie (qui avait le statut de département français !). La guerre d’Algérie en résulta largement. Elle se termina en 1963. Cependant, malgré ce conflit violent, les liens de la France avec ses anciennes colonies persistèrent et s'intensifièrent même dans plusieurs secteurs universitaires, dont celui des mathématiques. Par exemple, la très grande majorité des élèves étrangers admis à l’Ecole polytechnique en provenaient, venant d’Algérie, de Tunisie ou du Maroc, et leur nombre était d’environ 10% des élèves français. L’autre conséquence fut la venue en France de nombreux doctorants venant de ces pays. Plusieurs sont ensuite retournés dans leur pays, ce qui permis d’amplifier cette collaboration.
Création du CMAP en 1974
Vers les années 1970, le pouvoir politique incita les grandes écoles parisiennes à quitter Paris intra muros. Le ministère des armées disposait d’un grand terrain sur le plateau de Palaiseau et la décision fut prise d’y implanter l’Ecole Polytechnique.
Le site de la Montagne Sainte Geneviève était limité en taille et n’avait pas permis de créer de nombreux laboratoires de recherche. Dans le cadre du déménagement, la décision fut alors prise de beaucoup développer l’activité de recherche. Un poste de Secrétaire Général des laboratoires fut créé, dont Pierre Vasseur fut le premier titulaire. L’Ecole Polytechnique créa aussi 30 postes de chercheurs. Une refonte des laboratoires déjà présents à l’Ecole Polytechnique fut programmée, ainsi que la création de plusieurs nouveaux laboratoires sur des thèmes nouveaux et porteurs et aussi d’un centre de calcul au service des laboratoires.
Les mathématiques appliquées, et particulièrement les nouvelles méthodes de conception et de simulation par calcul sur ordinateur, apparaissaient alors comme importantes de par leurs nombreuses applications industrielles (secteur nucléaire, conception des avions, recherche pétrolière, secteur spatial, secteur automobile,…). La création du Centre de Mathématiques Appliquées (CMAP) répondit à cette problématique.
Le bâtiment des laboratoires fut construit en priorité et fut disponible dès le mois de septembre 1974. Cette date constitue le début de l’activité du Centre de Mathématiques Appliquées.
Les bâtiments d’enseignement et de cours ne furent disponibles qu’en septembre 1976 pour l’intégration de la promotion 1975, au retour d’une année de service militaire des élèves.
Les décisions concernant le CMAP furent prises essentiellement par trois des professeurs de l’Ecole qui étaient : Laurent Schwartz (Professeur de mathématiques et aussi directeur du laboratoire de Mathématiques (qui deviendra le CMLS), Jacques Louis Lions (Professeur d’analyse numérique et aussi directeur du LABORIA) et Jacques Neveu (Professeur de Probabilités).
Jean-Claude Nédélec fut nommé directeur du laboratoire et il recruta Claire Mouradian comme secrétaire.
Il fallut aussi trouver des chercheurs. Les premiers effectifs hébergés au centre furent constitués de plusieurs chercheurs en cours de thèse avec des collègues des universités de Paris VI et d’Orsay et du LABORIA (P.A. Raviart, P. Ciarlet, R. Glowinski, R. Temam, J.M. Thomas, J.L. Lions). En outre, quatre chercheurs du LABORIA furent affectés au centre.
Les premières soutenances eurent lieu en 1977 et 1978.
Plus tard, l’obtention d’un bon nombre de bourses de thèses financées par la DGA, permit le maintien des effectifs du CMAP à un bon niveau.
La majorité de ces premières thèses traitaient de l’analyse numérique des équations aux dérivées partielles, le plus souvent en relation avec des centres de recherche publics (EDF, CEA-SACLAY et CEA-DAM, ONERA) et aussi des entreprises.
La composante Probabilités du centre fut renforcée dès 1976, par la nomination de Michel Métivier comme Professeur temps plein.
Il faut noter, dès les premières années d’activité du centre, qu’une proportion non négligeable de thésards étaient d’origine étrangère (Algérie, Tunisie, Maroc, Portugal, ...). La proportion de femmes y était aussi bien meilleure que dans la plupart des laboratoires de mathématiques de cette époque.
Une seconde phase de développement du centre eut lieu à partir des années 1983-85. L’image du centre auprès des élèves de l’Ecole Polytechnique étant alors bien établie (surtout grâce aux enseignants !), nombre des nouveaux thésards provenaient de l’Ecole Polytechnique ainsi que des écoles normales parisiennes (Ulm, Sèvres, St Cloud, Cachan et Fontenay aux Roses).
Ce fut aussi à cette époque (en 1985) que l’Ecole Polytechnique obtint le droit de délivrer les thèses et d’assurer les cours de DEA sur son site.
Par ailleurs, le CMAP hébergea pendant plusieurs années l’ancêtre du LIX, suite à la nomination de Patrick Cousot comme Professeur d’informatique en 1984.
Il hébergea aussi pendant plusieurs années la SMAI, depuis sa création en 1983 jusqu’à son déménagement à l’IHP. Le président était alors Roger Temam, Professeur à l’université d’Orsay.
Le CMAP était initialement situé au milieu de l’aile 5 du bâtiment des labos. Il déménagea en 1986 au second étage de l’aile zéro suite à la construction de cette aile en 1984. C’est aussi dans le sous-sol de cette aile que le Groupement d’Intérêt Economique CCVR (centre de calcul vectoriel pour la recherche), logé au rez-de-chaussée et au premier étage, exploita un ordinateur CRAY1S, puis un CRAY2 qui étaient parmi les ordinateurs les plus puissants de cette période. Il permit d’effectuer des calculs très performants dans le cadre des thèses et des contrats d’étude avant sa fermeture au début des années 1990.
Ce fut également à cette période que le CMAP devint une unité mixte Ecole Polytechnique-CNRS. Ceci permit de recruter les premiers Chargés de Recherche du CNRS et aussi de consolider les finances. Ceci permit également plus tard l’affectation au centre des directeurs de recherches du CNRS, dont Vincent Giovangigli qui assura pendant plusieurs années la direction du centre.
Une autre décision importante pour le laboratoire à cette époque fut la création au plan national du système des bourses CIFRE en 1987. Il introduit le financement des thèses en relation avec des entreprises, associé à une offre d’emploi dans l’entreprise en question pour le thésard et d’un contrat pour le laboratoire. Outre le fait d’améliorer le financement du centre, ce système permit de tisser des liens avec de nombreux industriels qui voulaient recruter des experts en calcul scientifique. Une autre conséquence de cette mesure fut que beaucoup de ces thésards choisirent de faire carrière dans les centres de recherche de ces industriels.
Parallèlement, un nombre conséquent de chercheurs formés au centre préférèrent la carrière universitaire. Les étrangers repartirent souvent dans des universités de leur pays d’origine. Les français, eux, partirent souvent en province et en particulier aux universités de Toulouse et de Grenoble.
La première startup issue du CMAP est l’entreprise IMACS fondée par Toufic Abboud en 1994. Elle est spécialisée dans les codes de calcul par éléments finis et par équations intégrales pour des applications industrielles très complexes. Elle est toujours très active.
La période plus récente, à partir de 1995, est caractérisée par une diversification des activités de recherche.
Il y eut d’une part le développement de la recherche en traitement des images suite au recrutement de Stéphane Mallat comme Professeur en 1996. Connu internationalement pour son travail sur les ondelettes, il attira en thèse de nombreux élèves de l’Ecole. Ceci le conduisit ensuite à fonder la startup Let It Wave en 2001 avec une partie de ses élèves. Cette startup fut vendue en 2008 à la société Zoran Corporation.
Une autre diversification très importante correspond à l’activité de recherche en mathématiques financières. Elle fut d’abord liée au recrutement comme Professeur de Probabilités de Nicole El Karoui en 1997. Son expertise en mathématiques financières lui permit de jouer un rôle international dans le développement de cette activité de recherche. L’une des conséquences fut qu’une proportion importante des élèves de l’Ecole des promotions de 2000 à 2009 s’engagea dans les carrières bancaires associées (en particulier dans le métier de Quant). Beaucoup d’entre eux firent carrière à Londres ou à New-York.
La période actuelle (au delà de l’an 2000) correspond à une explosion des effectifs du centre et en particulier de celle des membres permanents.
Ceci est lié d’une part au recrutement par l’école de plusieurs maîtres de conférences et de professeurs à temps plein. Elle est aussi liée à l’intégration au centre de cinq équipes INRIA à partir de 2006. Elle résulte enfin de l’affectation au centre par le CNRS de plusieurs chargés et directeurs de recherche.
Bien sûr, ceci s’est aussi traduit par un large renouvellement et une plus grande diversification des thèmes de recherche et par la présence au centre d’un nombre très substantiel de thésards et de Post-Doc.
Historique rédigé par Jean-Claude Nédélec
Annexes :
Nombre de thèses soutenues au CMAP :
232 thèses entre 1974 et 2014, dont :36 thèses entre 1974 et 1986
88 thèses entre 1987 et 1999
108 thèses entre 2000 et 2014
Liste des directeurs du CMAP :
Jean-Claude Nédélec : 09/1974 → 1996,
Pierre-Arnault Raviart : 1996 → 05/1998,
Vincent Giovangigli : 03/1997 → 05/1998 (directeur adjoint) puis 06/1998 → 03/2006,
Kamel Hamdache : 03/2006 → 12/2008,
Antonin Chambolle : 01/2009 → 12/2014
Anne de Bouard : 01/2015 → 12/2019
Thierry Bodineau : 01/2020 → 08/2022
Grégoire Allaire (directrice adjointe: Aline Lefebvre-Lepot) : 09/2022 →
Liste des responsables administratives :
Claire Mouradian, Georgette Boléat, Jeanne Bailleul, Nasséra Naar